dimanche 8 octobre 2017

A la découverte du Hanoï colonial : la citadelle (secteur Est).


          L’actuelle citadelle de Hanoï qui a été construite en 1805 sous le règne de l’empereur Gia Long suivant un modèle dit « à la Vauban » dessiné par des officiers français, s’étendait sur une superficie de seulement 1 km² car le fait que la  capitale royale soit implantée à Hué interdisait de bâtir une citadelle plus vaste.
Initialement entourée de remparts de 5 mètres de haut et de fossés remplis d’eau, la citadelle de Hanoï comportait huit portes.

Lors des opérations militaires liées à la conquête française, à deux reprises les troupes françaises durent donner l’assaut à la citadelle de Hanoï : une première fois en novembre 1873 avec Francis Garnier puis une seconde en avril 1882 avec Henri Rivière.
Après la conquête, les Français installèrent dans l’emprise des baraquements militaires et un hôpital.

Entre 1894 et 1897, une série de travaux y furent menés, d’une part pour abattre les remparts et combler les fossés, d’autre part pour y bâtir de nouveaux cantonnements qui remplacèrent un certain nombre d’édifices du passé.

Pour découvrir plus en détail l'historique de cette citadelle on peut se reporter à dde nombreux guides touristiques dont "Le Petit Futé" d'où j'ai extrait ces quelques liges :

" Le 31 juillet 2010, la citadelle impériale de Thang Long est devenue le 900 ème site à être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Dans le district de Ba Dinh, la citadelle occupe une zone délimitée à l'ouest par la rue Hoàng Diêu, par la rue Nguyên Tri Phuong à l'est, par le club de l'Armée au sud, et par la rue Phan Dinh Phung au nord. Cela fait longtemps que les empereurs ne règnent plus derrière les tentures de la cité interdite. Les changements de régime ne l'ont pourtant pas détournée de sa vocation initiale, sanctuaire du pouvoir, vouée au secret, et inaccessible au commun des mortels. Ce n'est que tout récemment qu'elle s'est découverte au public, suscitant une intense curiosité parmi la population de Hanoi. Auparavant, seules les familles des militaires - certes, nombreuses - avaient leurs accès en ces lieux. Ce qu'on en savait, c'était par ouï-dire, et cela approfondissait le secret.

En 2000, le ministère de la Défense a officiellement remis la rue Nguyên Tri Phuong au comité populaire de la ville de Hanoi, qui l'a ouverte à la circulation. La citadelle a ouvert ses portes le 2 octobre 2004, dans le cadre des célébrations marquant le 50e anniversaire de la libération de la capitale (10 octobre). Pendant quelques jours, des milliers de visiteurs se sont succédé, peut-être dans l'espoir de participer au mystère avant qu'il ne se soit totalement dissipé, avant que la citadelle ne devienne un site touristique parmi d'autres.

Le site mérite qu'on lui accorde du temps. Au coeur de la ville, en semaine, lorsque les visiteurs sont rares, il offre un havre de paix propice à la méditation. Des jardins de bonsais contribuent à l'attrait du lieu.

À l'origine la citadelle a été construite en 1010 lors du transfert de la capitale de Hoa Lu à Thang Long par le roi Ly Thai Tô. Elle a ensuite connu plusieurs agrandissements successifs. C'est un emboîtement de trois cités distinctes : au centre, la cité pourpre (Dragon-Phénix, Long Phuong), résidence royale sous les dynasties des Ly et des Trân. Deuxième emboîtement, la cité impériale puis la citadelle, élément le plus extérieur (La Thanh ou Dai La Thanh). En 1805, la dynastie des Nguyên (qui a sa capitale à Huê) fait agrandir la citadelle et transformer la cité interdite en résidence pour les mandarins en poste dans le Nord. Pendant la période coloniale, les Français détruisent la citadelle, dont il ne subsiste aujourd'hui que quelques ouvrages, et transforment la zone en quartiers militaires.

Quatre ouvrages ont été préservés : il s'agit, sur un axe central sud-nord, de la porte Doan Môn (Porte Sud), du palais Kinh Thiên, du pavillon des Concubines (Hâu Lâu) et de la porte Nord (Bac Môn ou Cua Bac). /.../.
Lorsque la citadelle s'est ouverte au public, plusieurs expositions ont été organisées. L'une d'elles était consacrée à l'histoire de Thang Long et présentait des documents ainsi que des objets archéologiques des dynasties Ly (1009-1225), Trân (1226-1400) et Lê (1428-1527 et 1592-1789) retrouvés sur les sites de Doan Môn, Hâu Lâu et Cua Bac. Mais l'histoire de la citadelle est aussi contemporaine. Une autre exposition s'intitulait " La maison D67 et la grande victoire du Printemps 1975 ". La maison D67, située derrière le palais Kinh Thiên, abritait le bureau des généraux Vo Nguyên Giap et Van Tiên Dung ainsi que la salle de réunion du bureau politique et du comité central du Parti pour l'armée pendant les dernières années de la guerre américaine. Les visiteurs ont ainsi eu l'occasion de descendre dans l'abri souterrain prévu en cas de bombardements."


Pour découvrir cette citadelle, il convient de distinguer globalement trois secteurs :
- le secteur Est autrefois occupé par les unités du 9° Régiment d'Infanterie coloniale (9° RIC), du 4° Régiment d'artillerie coloniale (4 ° RAC) et du 1er Régiment de Tirailleurs tonkinois (1er RTT) qui est aujourd'hui une emprise militaire vietnamienne inaccessible ;
- le  secteur Sud-ouest qui était autrefois la zone de la caserne Balny d'Avricourt où était implanté le service des Transmissions des Troupes françaises du Tonkin et qui abrite aujourd'hui le musée de l'armée vietnamienne ;
- le secteur Nord-ouest, au nord de l'ancien stade Mangin, qui était autrefois la zone de caserne Lizé où était implantée la Direction de l'Artillerie et celle des services de l'Intendance.




1 - Le secteur Est de la citadelle.

Le plan suivant, extrait du blog ouvert par monsieur Philippe Millour; dont le grand père était officier au 9° Régiment d'infanterie coloniale, pour évoquer le séjour de sa famille à Hanoï pendant la seconde guerre mondiale, ( http://philippe.millour.free.fr/Indochine/CitadelleHanoi.html ) permet de situer facilement ces différentes emprises et leur occupation à la veille du coup de force japonais du 9 mars 1945 :


http://philippe.millour.free.fr/Indochine/CitadelleHanoi.html


Même si on ne peut pénétrer à l'intérieur des installations de l'armée vietnamienne il est toutefois possible de "jeter" un coup d’œil de l'extérieur sur nos anciennes emprises en longeant l'ancienne "rue Maréchal Joffre" (devenue Ly Nam Bé) qui part depuis le square du château d'eau et qui descend vers le sud en direction de l'ex boulevard Félix Faure (devenu Tran Phu)...


Le château d'eau autrefois

Le château d'eau aujourd'hui



En descendant l'ex "rue du Maréchal Joffre" en direction du Sud, on passe entre l'ancien quartier Borgnis-Desbordes (Réf. D plan Ph. Millour) où était stationné le 4° RAC et différents bâtiments qui abritaient un certain nombre de services de garnison comme notamment le tribunal militaire :

L'ancien cantonnement du 4° RAC


En continuant à suivre la "rue du Maréchal Joffre" on passe à la hauteur de l'ancien quartier Brière de l'Isle (Réf. A plan Ph Millour) où était stationné le 9° RIC :


L'ancien cantonnement du 9° RIC


Aujourd'hui toutes ces emprises ont été malheureusement détruites et remplacées par des bâtiments neufs (édifiés après 1975) pour abriter l'état-major de l'armée vietnamienne et le ministère de la Défense :



En continuant la "rue du Maréchal Joffre" on dépasse le secteur des anciens ateliers de l'Artillerie (Réf. E plan Ph. Millour) et on arrive au niveau de l'ex "rue du Maréchal Bichot" (devenue Cua Dong) qui passant sous le pont de la voie ferrée, permettait de relier les implantations militaires au reste de la ville.
La "rue du Maréchal Bichot" aboutissait après avoir longé l'hôtel du général commandant la brigade (devenue division) du Tonkin au quartier Brière de l'Isle, siège du 9° RIC :

L'ancien cantonnement du 4° RAC

Voici comment était décrit dans le guide Madrolle de 1912 l'accès à la citadelle :
" On entre dans la Citadelle par l'avenue Général-Bichot. A droite, les casernes d'infanterie. A gauche, le parc d'artillerie ; on y remarque, près de la grille, une cloche élégante donnant un joli son ; elle fut fondue au phû de Thâi-binh à l'époque des Le. Sous un hangar, des canons, quelques-uns au chiffre de Napoléon III, furent donnés en cadeau au roi Tu'-dû'k ; d'autres, faits par les Annamites, sont de l'époque du roi Ja-long."

L'ex "rue du général Bichot" qui permettait à l'époque française d'accéder à la caserne Brière de l'Isle étant aujourd'hui fermée au niveau de l'ex "rue du Maréchal Joffre", il est donc désormais impossible de passer devant l'ancien hôtel de la brigade comme autrefois afin de photographier la façade de ce bâtiment dans lequel a travaillé notamment le général Salan :
L'hôtel de la brigade autrefois


Les seules photos possibles compte tenu de la vigilance des sentinelles et de la végétation qui masquent en partie l'édifice sont celles de l'angle du bâtiment :

 

 
L'ancien hôtel de la brigade aujourd'hui


En continuant à suivre l'ex "rue du maréchal Joffre" en direction de l'ex "boulevard Félix Faure" on passe devant un certain nombre de maisons, enclavées au milieu de constructions récentes et parasites, qui servaient autrefois à héberger un certain nombre de cadres militaires.
Pour se faire une idée de l'allure de ces maisons d'autrefois, qui portent souvent sur le fronton leur date de construction, il faut pénétrer à l'intérieur des cours car il est fréquent que de nombreux bâtiments aient été depuis lors bâtis dans les jardins de ces maisons et masquent désormais celles-ci...













Anciennes maisons de la garnison 



Si on ne veut pas suivre l'ex "rue du maréchal Joffre" jusqu'au bout, on peut toutefois tourner à droite pour emprunter une petite rue qui longe l'emprise militaire vietnamienne : après être passé devant la maison du lieutenant Millour, on longe la façade sud de l'ancien hôtel de la brigade :

L'ancienne maison du Lt Millour


La façade sud de l'ancien hôtel de la brigade

Une fois parvenu sur l'ex "rue de la porte Ouest" (devenue Ton That Thiep), on emprunte cette dernière sur quelques dizaines de mètres avant de tourner à nouveau à droite pour longer l'emprise des forces armées vietnamiennes autrefois occupée par les ateliers de l'artillerie et rejoindre l'ex "rue de la porte Sud" (devenue Nguyen Tri Phuong) .

Bien qu'elle ait été restaurée, cette partie de l'enceinte jalonnée d'arbres de l'époque utilisés comme lieux d'offrande, permet de se faire une bonne idée de la physionomie des lieux lors de l'attaque japonaise du 9 mars 45 :

 Un ATM ? Non, un arbre "de prières"...


Une fois arrivé à l'ex "rue de la porte Sud", il faut tourner à gauche et poursuivre toujours en direction du sud vers l'ancien quartier Berthe de Villers qui abrite aujourd'hui le musée de l'armée : 

L'ex rue de la porte Sud

La seule précaution à prendre lorsqu'on arrive au niveau de l'ex "rue de la porte Sud" est de basculer sur le trottoir opposé de cette rue car il est interdit de passer sur le trottoir Est, devant le ministère... En outre comme cette rue est parfois soumise à des restrictions de circulation il n'est pas toujours possible de l'emprunter sur sa totalité à certaines heures ou lors de visites d'autorités :

L'entrée de d'état-major vietnamien et du ministère de la Défense


En longeant l'ex "rue de la porte Sud" en direction du sud on passe entre les anciennes casernes Berthe de Villers à gauche (Réf. F plan Ph. Millour) et Balny d'Avricourt  (Réf. D plan Ph. Millour) à droite, où étaient respectivement stationnés le 1er Régiment de Tirailleurs tonkinois (1er RTT) et le Service des Transmissions :


L'ancien cantonnement du 1er RTT





 L'ancien cantonnement du 1er RTT aujourd'hui




 L'entrée de l'ancienne caserne Balny d'Avricourt aujourd'hui
(accès "rue de la porte Sud")


On arrive enfin à l'angle de l'ex "boulevard Félix Faure" et de l'ex "avenue Puginier" (devenue Dien Bien Phû):




Une fois parvenu à l'ex "avenue Puginier", en tournant sur la droite on arrive à l'entrée actuelle de l'ancienne caserne Balny d'Avricourt qui héberge aujourd'hui le musée de l'armée vietnamienne et qui se situe face à l'ex "square Robin" :


L'ancienne caserne Balny d'Avricourt dans les années cinquante




L'ancienne caserne Balny d'Avricourt aujourd'hui


L'un des vestiges les plus marquants de l'ancienne caserne Balny d'Avricourt, remarquablement restaurée, est la "Tour du drapeau", autrefois appelée par les Français ‘Le Mirador », qui fut édifiée entre 1805 et 1812 : 



D’une hauteur de 34 mètres de haut, elle est bâtie sur un socle de 42 mètres de côté :



Le 20 novembre 1875 Francis Garnier y fit hisser pour la première fois le drapeau français. Par la suite, à partir de 1885, cette tour fut utilisée pour la mise en œuvre du télégraphe optique.
En 1887, l’esplanade de la tour servit de tribune pour les premières courses hippiques organisées dans l’enceinte même de la citadelle.
Enfin, si l’on en croit les auteurs du guide « La terre du dragon », il semblerait que ce soit au pied de cette tour qu’étaient autrefois fusillés les soldats condamnés à mort par le Tribunal militaire...

Le 9 mars 1945 les Japonais attaquèrent la citadelle de Hanoï où environ 900 soldats français et supplétifs commandés par le général Massimi tentèrent de résister face aux 8.000 nippons.

Ceux qui souhaitent découvrir par le détail les combats de la citadelle les 9 et 10 mars 1945 peuvent se reporter au blog de Philippe Millour qui raconte le détail des combats dans lesquels furent impliqués les soldats de la garnison de Hanoï, marsouins, bigors, légionnaires, tirailleurs... :
 http://philippe.millour.free.fr/Indochine/CitadelleHanoi.html
Sur ce blog on peut découvrir en particulier comment s'est déroulée l'attaque japonaise en direction des emprises du 9° RIC et du 4° RAC, attaque qui se produisit à la fois sur la face Nord de la citadelle mais aussi sur sa face Est, globalement dans l'axe de la "rue du général Bichot".

S'agissant des combats qui eurent lieu dans le secteur sud de la citadelle, c'est à dire en direction de l'emprise du 1er RTT on peut se reporter à l'excellent article du colonel Maurice Rives décrivant la résistance des hommes du 1er RTT, disponible en lecture en ligne dans les bulletins de l'ANAI :
http://www.anai-asso.org/NET/img/upload/1080_Bulletin20062.pdf
On découvre en lisant cet article que tout le secteur compris dans le triangle matérialisé par les casernes Balny d'Avricourt, Berthe de Villers et le square Robin de l'autre côté de l'ex "avenue Puginier" a été au cœur des assauts menés par les Japonais contre le cantonnement du 1er RTT.
Cette zone est aujourd'hui l'espace compris entre d'une part le musée de l'armée et la cafétéria Starbucks, d'autre part le grand parvis sur lequel les Vietnamiens ont élevé une statue à la gloire de Lénine...


Rappelons que pour faire pression sur les derniers défenseurs français, les Japonais n'hésitèrent pas à se servir des prisonniers comme de boucliers humains, envoyant certains d'entre eux face au tir des armes automatiques françaises ou exposant volontairement les captifs en les faisant asseoir sur l'avenue Puginier... précisemment face à l'endroit où aujourd'hui nous buvons un café :



Prenons le temps de lire l'article du colonel Rives et ayons une pensée pour tous ceux de nos soldats qui sont tombés les armes à la main face aux Japonais, en se battant en infériorité numérique et avec des matériels et un armement obsolètes, et tout spécialement pour ces officiers qui à l'issue des combats ont été exécutés le 11 mars à titre de représailles... Gardons particulièrement en mémoire le nom du capitaine Bauvais, du capitaine Bonin, du lieutenant Morisse, et du lieutenant Costes qui furent abattus dans les écuries du 1er RTT... Souvenons nous aussi que le chef de bataillon Dumaine réussit à soustraire le drapeau du régiment à la fouille des Japonais en le gardant d'abord enroulé sur lui pendant plusieurs jours puis en le cachant jusqu'à la fin de la guerre dans un local du 1er RTT...
La photo ci-desssous, prise à la citadelle de Hanoi à l'arrivée du général Leclerc, montre les honners rendus aux emblèmes des unités qui ont lutté lors du coup de force japonais : à gauche le drapeau 9° RIC, au centre le drapeau du 1er RTT sans sa hampe cassée (sauvé et caché par le chef de bataillon Dumaine) et à droite dans un coffret les cendres de l''étendard du 4° RAC qui avait du être incinéré selon la tradition pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi :




Les honneurs aux drapeaux des unités de la citadelle du 9 mars 45



Par la suite, pendant la guerre d’Indochine, la caserne Balny d'Avricourt fut utilisée par le service des transmissions, la station radio de Balny d'Avricourt ayant été le cadre de la dernière communication radio établie entre le général Cogny et le général de Castries à quelques heures de la chute du camp retranché de Dien Bien Phû...




Aujourd’hui cette ancienne emprise fait partie de l’ensemble sur lequel est implanté le musée de l’armée, musée qui fera l'objet d'un billet particulier.




A suivre...

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