jeudi 20 octobre 2022

Retour sur les combats de Tu Lê (6) : de Muong Chen à la Rivière noire






22 octobre 1952 :
Après être parvenu aux alentours de 19 h la veille à traverser le rideau de troupes ennemies qui achevaient l'encerclement du village de Muong Chen, le 6° BCPC poursuit sa progression en direction du Sud-ouest en longeant la vallée de la Nam Chang.

Peu après avoir quitté Muong Chen, on traverse une zone de sources chaudes répertoriées sur les cartes d'époque et où l'on peut se baigner dans des bassins aménagés, voire se loger et manger...



La vallée de la Nam Chang aboutit au terme d'une quinzaine de kilomètres de progression à une retenue d'eau importante qui n'existait pas à l'époque.



L'arrivée au barrage :



Au niveau du barrage la vallée de la Nam Chang s'enfonce vers le sud en direction de la Rivière noire... Peut être y avait-il  là un itinéraire d'exfiltration supplémentaire pour le 6° BPC mais le terrain semble encaissé....

 Après le barrage la piste poursuit en direction du Sud-ouest et monte vers le col de Itong :




Vers 9 h du matin, les éléments de tête du bataillon prennent contact avec un détachement du poste de Itong qui s'est porté au niveau du col marquant la ligne de partage des eaux entre le bassin du Fleuve rouge et celui de la Rivière noire.

Le col de Itong


Le col de Itong qui se situe à environ 1000 m d'altitude constitue un changement de compartiment de terrain notable car la piste bascule ensuite vers une zone beaucoup plus basse. Pour le 56° BVN envoyé depuis la Rivère Noire pour couvrir le repli du 6° BPC, il est évident qu'il lui a fallu un certain temps pour gagner cette position. Bigeard dans ses mémoires est très dur avec ce bataillon dont il critique l'installation en coup d'arrêt trop légère au regard de la pression ennemie... mais ces citiques me semblent un peu injustes à maints égards...
1) Au vu du terrain, il me semble en effet d'une part qu'il était très difficile au 56° BVN de tenir ce point du terrain qui est dominé de part et d'autre par des hauteurs facilitant le débordement... 
2) Par ailleurs, en s'installant le "dos au vide", les hommes du 56° BVN ne disposaient d'aucun compartiment arrière pour se rétablir si leur ligne d'arrêt était enfoncée,
3) Une installation effcace aurait nécessité davantage de temps et un minimum de matériels pour pouvoir aménager le terrain... Rappelons que sur Tu Lê, le 6° BPC a pu disposer de délais conséquents après son parachutage (soit 36 h), a bénéficié de renforcements sous forme d'un aérolargage de mines et de barbelés (une unité de feu supplémentaires et 5 tonnes de fret) et a pu s'appuyer sur un terrain relativement plus favorable.  
4) Ajoutons enfin enfin que les parachutistes du 6°BPC lors de leur coup d'arrêt de Tu Lê étaient dans un état de fatigue moindre au regard de la situation des soldats vietnamiens du 56° BVN qui avant d'arriver au col venaient de parcourir une trentaine de kiomètres depuis la Rivière noire avec pour parvenir à leur ligne d'implantation un dénivelé équivalent à celui de l'ascension du Khau Pha...

Dans de telles conditions il est évident que le 56° BVN ne pouvait donner qu'un coup d'arrêt temporaire permettant au 6° BPC de gagner un peu  de temps et qu'il était illusoire de le voir couvrir le repli du 6° BPC... mais seules restent hélàs  les critiques acerbes du CBA Bigeard à l'égard de cette unité locale de valeur opérationnelle bien évidemment inférieure à celle de son bataillon.

Les hauteurs dominant le col de Itong

Comme on peut le voir sur la photo ci-dessous qui montre la nature du terrain en arrière de la position dévolue au 56° BVN, l'expression s'installer "dos au vide" prend tout son sens :  



Grâce à l'amélioration de la météo les B 26 attaquent les éléments ennemis qui suivent le bataillon et annoncent que le poste de Muong Chien est tombé mais que des survivants de la garnison auraient trouvé refuge sur les pitons au Sud du poste...
A 14 h, la tête du bataillon atteint le poste de Itong, couvert par une compagnie du 56° BVN.


A 19 h 30, la compagnie du 56° BVN placée en bouchon au col de Itong face au Nord-est est en toute logique bousculée et disperséée par les éléments ennemis sans que le reste du bataillon puisse intervenir pour la recueillir.
Devant la poussée de l'adversaire, l'évacuation du poste de Itong s'impose mais Bigeard décide de laisser la garnison du poste en place afin de retarder l'avance vietminh jusqu'au 23 octobre à 2 h du matin puis de décrocher. On notera  qu'une nouvelle fois Bigeard n'hésite pas à laisser derriere lui des élements d'une autre unité pour sauver son bataillon... unité de valeur operationnelle insignifiante car ce sont des supplétifs...
A 21 h, le 6° BPC suivi des éléments du 56 BVN et de la garnison de Gia Hoi entame son repli.



Paul Corcuff, le photographe auteur des clichés en noir et blanc

Le lieutenant Elise, officier transmissions du 6° BPC

23 octobre 1952 :
Parvenu à la Rivière noire, le 6° BPC entame le franchissement du cours d'eau à partir de 2 h du matin sur le site de Ban Ta Bu puis un peu plus tard d'un affluent de la Rivière noire à Muong Bu.






A 9 h du matin  le 6° BPC est enlevé en camion et acheminé sur Son La, le regroupement du bataillon étant achevé en fin de journée, puis sur l'aérodrome de Na San pour ré-équipement et rapatriement de l'unité vers Hanoï.

Aérodrome de Na San aujourd'hui

Le bilan final du 6°BPC fait donc apparaître un effectif total de 96 tués et disparus....






A l'issue du retour à Hanoï la prise d''armes organisée sur le stade Mangin dans l'enceinte de la citadelle permit de récompenser 382 hommes sur les 666 ayant participé à l'opération de Tu Lê.


Cérémonie de remise de décorations au stade Mangin à Hanoï

Cérémonie de remise de décorations au stade Mangin à Hanoï

Cérémonie de remise de décorations au stade Mangin à Hanoï



Informations pratiques :

Après avoir quitté de bonne heure notre guest house de Muong Chen, nous avons entamé la partie la plus pénible et la partie la plus longue de notre périple le long de la rivière Nam Chang puisque nous avions prévu de couvrir dans la journée les 40 et quelques kilomètres de parcours...
Si la topographie de ce tronçon du raid a bien changé depuis les années 1952, cela reste encore une zone relativement calme car la route qui suit la vallée est assez peu fréquentée et on traverse de nombreux villages thaï disséminés tout au long de l'itinéraire.

Compte tenu de l'altitude la progression n'a pas été trop difficile jusqu'au col de Itong mais à partir de ce point la route "dégringole" ensuite rapidement de près de 1000 mètres et la chaleur devient réellement pénible à supporter dans la tranche 11 h - 16 h.

Pris par le temps et par la nuit, ne disposant pas d'hébergement, nous avons donc abrégé sur les quelques kilomètres restant notre marche en nous faisant acheminer par moto pour traverser la ville rue et nous faire déposer dans un hôtel du gouvernement.



Le lendemain matin nous sommes repartis à  pied de l'hôtel vers la Rivière Noire, pensant initialement gagner à pied Sonla...  histoire de faire plus long que le bataillon Bigeard... La chaleur étouffante et la circulation très dangereuse sur cette route étroite et encaissée reliant la Rivière noire à Sonla nous a amené à stopper notre progression à Ban Tabu et à y prendre un bain rafraîchissant avant de monter dans un bus local pour gagner Sonla... Dans cette ville importante il n'y a aucun problème pour trouver un hébergement dans l'un des nombreux hôtels.



Avec le recul je pense que plutôt que de traverser la Rivière noire sur son pont, nous aurions été mieux avisés de longer sa rive gauche sur quelques kilomètres puis de franchir le fleuve grâce à une des barques de pêcheur que l'on peut y trouver.... exactement comme le fit le bataillon Bigeard.


Arrivee au pont sur la riviere Noire pour Jean Baillaud et moi

 Mes préparatifs pour la baignade dans la riviere Noire...




2 commentaires:

  1. This is a fantastic website and I'd like to add my thanks for publishing such great information. The photographs (new and old) and maps are really good - I also love reading the accounts of the battles and your trips. Keep up the excellent work.

    RépondreSupprimer