jeudi 13 février 2014

Langson : les grottes de Ky Lua...

     Situées aux abords immédiats de Lang Son et sur la route menant vers la Chine, les grottes de Ky Lua ont été le cadre de multiples affontements ou drames tout au long de l'histoire.
A l'issue du coup de force du 9 mars 1945, des prisonniers français y ont été enfermés avant d'être exécutés comme notamment le Résident Auphèle et le général Lemonnier... (voir billets précédents)
En juillet 1953, leur conquête a donné lieu à l'une des plus audacieuses opérations aéroportées de la guerre d'Indochine...

Rappel historique :
" Informé le 10 juillet 1953 par le “2e bureau” d’une faiblesse dans le système défensif de la ville de Lang Son (la garnison sera temporairement réduite à deux compagnies régionales soit 600 hommes), le général Cogny profite du 14 juillet pour faire défiler à Hanoï des unités parachutistes puis les y maintenir sous prétexte de “Quartier Libre”.
Le 17 juillet 1953 à 8 heures, 58 avions de transport C 47 Dakota larguent 2001 hommes soit deux bataillons de parachutistes coloniaux et une SGP (section de génie parachutiste) sur Lang Son et Ky Lua : le 8e GCP (Groupement de Commandos Parachutistes) prend et tient la ville tandis que le 6eBPC (Bataillon de Parachutistes Coloniaux) s’attaque aux dépôts cachés dans les calcaires de Ky Lua.

Au cours du saut, une trentaine de parachutistes viêtnamiens de la section du lieutenant Boulay, de la 6e CIP (Compagnie Indochinoise Parachutiste) du 6e BPC, dérivent droit sur le village de Khon Cuong malgré un largage à 150 m censé éviter la dispersion (les viêtnamiens pèsent en moyenne 25 kilos de moins que leurs cadres européens), ce qui provoque la débandade des Bo Doï Dia Phuong (troupes régionales). Deux mitrailleuses interdisent l’accès à la grotte Tam Thanh (désignée n° 13 sur les photos aériennes); la première est réduite au silence par le tir ajusté d’un sergent de la 6e CIP mais il faudra l’intervention des chasseurs F8F Bearcat pour faire taire la deuxième et commencer l’exploration du réseau complexe de galeries.
Les parachutes sont rassemblés puis brûlés sur place et les grottes truffées d’explosifs après une inspection minutieuse permettant de dresser un inventaire du matériel et de l’armement entreposé. À 16 heures, les charges explosives disposées par les sapeurs-parachutistes réduisent à néant les stocks de l’ennemi et à 17 heures les parachutistes et 200 civils de Lang Son (profitant de la présence inopinée des troupes françaises pour fuir la région) se replient vers Loc Binh, via la RC 4 (Route Coloniale n° 4). Le 2e BEP (Bataillon Etranger de Parachutistes) et une section de génie parachutiste ont été parachutés sur Loc Binh dans l’après-midi pour installer un système de portières sur le Song Ky Kong et se poster en élément de recueil.
L’ensemble du dispositif est couvert par des GB (Groupe de Bombardement) de bombardiers B 26 et des GC (Groupe de Chasse) d’avions de chasse F8F Bearcat.
Pendant ce temps, le GM 5 (Groupe Mobile n° 5) se lance à la rencontre de la colonne de repli pour la charger dans des camions GMC et l’escorter,  puis la Marine prend le relai en direction d’Hanoï via Haiphong.

L’opération aboutit à la destruction totale d’un imposant stock d’armes et de matériels (notamment 1000 fusils-mitrailleurs tchèques Skoda, six camions soviétiques Molotova, des milliers de litres d’essence, 250 pneus neufs, 250 fusils et pistolets-mitrailleurs, des explosifs en quantité, 500 cartouches de cigarettes soviétiques, des roquettes SKZ etc.) accumulés par le Viêt-minh dans Lang Son, devenue la plaque tournante de la logistique ennemie .
Les clichés de Paul Corcuff prouvant l’aide logistique de la République Populaire de Chine vont faire le tour du monde par voie de presse, en plus des armes de prises ramenées comme pièces à conviction."
Sources : Documentation ECPAD 
http://www.ecpad.fr/raid-des-parachutistes-sur-lang-son-commande-par-le-lieutenant-colonel-ducourneau-operation-hirondelle


Sur cette coupure cartographique Google Earth on note que les grottes de Ky Lua sont situées au niveau de la zone de relief marquée Tam Thanh. A l'époque cette zone n'était pas urbanisée mais à l'heure actuelle l'agglomération de Lang Son s'étend jusqu'au pied des barres rocheuses.



La photo ci-dessous représente la zone marécageuse à proximité de laquelle le 6° BPC a du manoeuvrer et installer sa base de feu pour s'emparer des grottes, notamment la grotte n° 10 qui contenait énormément de matériels :



Cette zone marécageuse est toujours visible aujourd'hui :



La photographie ci-dessous montre l'aspect de la grande plaine rizicole située à l'est des grottes de Ky-Lua : elle correspond probablement à la DZ du 6.BPC (à confirmer) ; en 1940, ce secteur de terain a été l'objet de violents combats entre les troupes japonaises et les éléments français :



 L'entrée de la grotte principale de Ky Lua :


Un lieu de prières a été élevé à l'intérieur :




A l'issue de l'opération Hirondelle c'est dans cette direction que se sont repliés les éléments du 8° GCP et du 6° BCCP afin de s'exfiltrer en direction de Loc Binh :


Cette photo, outre le fait qu'elle confirme bien que les grottes communiquaient entre elles, ce qui a été une source de méprise et de tirs fratricides au sein du 6° BCCP, montre que l'essentiel des concrétions calcaires (stalagtites et stalagmites) ont été arrachées de leur support... On peut penser que c'est sans doute là une des conséquences des explosions ayant permis de détruire les matériels du Vietminh...




Fin de visite pour Bernard, Antoine et... moi... accompagnés par le sourire d'une jolie Vietnamienne...
Demain, direction Don dang par la RC 4...


Quelques additifs complémentaires

Suite à notre périple de novembre 2014, une seconde visite des grottes de Ky Lua m'a permis de découvrir dans la roche des traces laissées par les combats de 1953 au niveau de la grille figurant sur la troisième photo ci-dessus...
Ces traces sont de petites cavités de couleur blanche dans le calcaire faites par les impacts des tirs en provenance des rizières situées en contrebas de la grille. On se souvient que lors de l'action menée contre la grotte principale, les parachutistes du 6° BPC avaient effectué des tirs fratricides car ils ignoraient que la grotte comportait deux entrées... Peut être s'agit-il là des traces de cette double tentative de conquête effectuée sur les deux accès... Une chose est certaine, pour l'avoir vérifié à la main, il ne s'agit pas d'une désagrégation du calcaire mais bel et bien de la gerbe d'impacts provoquée par une arme automatique... Ces marques sont toutes situées dans l'axe de la rizière et n'apparaissent pas ailleurs ni sur les angles morts...



En même temps que nous sommes allés revisiter la grotte du temple, nous avons essayé d'accéder à la grotte n° 10 qui figure plus haut sur la photo ECPA. Malheureusement ces cavités sont aujourd'hui pratiquement inaccessibles car elles se situent aujourd'hui derrière une ceinture de maisons bâties le long du chemin et sont devenues des alvéoles de rangement pour les habitants. En l'absence de ces derniers, pour les atteindre il a fallu escalader des murs légers construits en matériaux très fiables (!), passer sur des toitures de fortune... pour à l'arrivée ne rien trouver d'intéressant... et laisser un peu de peau au passage...




L'ensemble du massif de Ky Lua étant truffé d'excavations calcaires, il est probable que bien d'autres grottes utilisées par le Vietminh pour stocker le matériel sont dissimulées derrière les constructions récentes... Dans l'état actuel des choses et avec le peu de documentation dont nous disposions il ne nous a toutefois pas été possible d'en savoir plus.

Ce qui serait intéressant ce serait de pouvoir disposer des autres photos aériennes ainsi que du schéma général de l'opération aéroportée (zones de saut, axes d'attaques, position des objectifs...) pour enrichir ce billet... Les apports de chacun sont donc les bienvenus !!!