Poursuivant
mes modestes conseils à l’usage de ceux qui voudraient se lancer dans le
« hors piste » tropical, voici quelques informations complémentaires
destinées à faciliter le parcours de ceux qui aiment le solo…
Habitués à visionner des films à
sensation, nous avons souvent une vision déformée de ce qu’est la forêt
tropicale humide… quelles que soient ses variantes. Mais contrairement à ce
qu’on pourrait penser à première vue, le danger n’y réside pas réellement dans
la faune. En Asie du sud-est, les tigres dans le genre de celui qu’avait
rencontré le lieutenant Cornuault à proximité du camp numéro 1 ont par exemple depuis
longtemps disparu et se sont repliés soit vers des zones moins accessibles ou
protégées… soit vers des zoos pour touristes…
Le premier vrai danger contre
lequel il faut se prémunir, en fait c’est nous… Il suffit de s’égarer, de se
blesser en ayant entrepris seul l’exploration d’un secteur un peu à l’écart des
chemins d’accès pour enclencher une spirale infernale qui peut très mal se
terminer. Dans les zones de forêt dense, où il est difficile de se situer, une
fois égaré on peut tourner en rond et repasser plusieurs fois au même endroit
sans s’en rendre compte… Dès que le moral commence à être atteint sous l’effet
de la perte de repères, le désespoir peut alors survenir très rapidement. Ainsi des
personnes égarées lors de sorties chasse en Guyane française sont ainsi mortes simplement
d’épuisement psychologique, parfois à quelques centaines de mètres du point de
salut et sur un secteur où il leur était arrivé de passer précédemment mais
sans souci d’orientation. Même s’il est connu qu’en suivant les talwegs puis
les ruisseaux et enfin les voies d’eau on finira par arriver à un lieu de vie…
et pourquoi pas en l’occurrence s’agissant du Vietnam au marché du pont Long
Biên de Hanoï… il est préférable en cas de problème d’orientation de demeurer
très calme, de marquer soigneusement ses points de passage sur les arbres… et de rester sur
zone… sous réserve bien entendu d’avoir informé quelqu’un de son itinéraire
avant le départ.
Sans avoir la prétention de
donner un cours de survie en forêt primaire, démarche bien illusoire, la présence d’un
sifflet ou un coupe-coupe qui servira à signaler sa présence en tapant sur les
racines aériennes de certains arbres pourrait bien être appréciée à sa juste
valeur dans un tel contexte… Rappelons au passage encore une fois aussi
l’importance du kit de survie auquel je faisais allusion précédemment pour ceux
qui veulent vraiment faire du « hors piste »…
Indépendamment de ce qui vient
d’être dit, il est toutefois deux dangers omniprésents dont il faut se défier
en milieu tropical humide… à savoir l’arbre et l’eau.
En forêt tropicale humide, les
arbres n’ayant qu’une accroche très faible au sol, il est fréquent qu’un coup
de vent entraîne un véritable « strike » avec parfois des effets
secondaires d’éclatement du bois, voire de retour de coup de fouet… Par
ailleurs, quand on dort en hamac en forêt primaire, la corde faîtière tendue au
dessus de soi et qui sert à tendre la bâche de protection contre la pluie peut
aussi s’avérer fort utile contre les chûtes de branches mortes… sous réserve
d’être d’un diamètre suffisant… S'agissant du hamac, ajoutons aussi que sur les lieux de passage d'animaux sauvage, les sangliers en particulier, il est important de tendre celui-ci à une hauteur suffisante pour éviter en cas de déboulé soudain d'une harde, d'être percuté. Une colonne vertébrale normale résiste en effet mal au choc avec un animal de 2 à 300 kg lancé à pleine vitesse...
L’idéal est en fait de disposer le hamac filet mentionné dans le kit de survie juste sous le hamac principal afin d'y placer tout ce qu'on ne veut pas laisser au sol... et pouvoir trouver sous la main de nuit sans sortir du lit... Pour les chaussures, généralement boueuses, il suffit de les placer retournées sur deux bâtons plantés dans le sol. Point particulier, d'une part ne pas oublier de laisser pendre un bout de cordelette de chacun des brins reliant le hamac à l'arbre afin d'obtenir un effet "goutte d'eau de balcon", d'autre part mettre un peu de mousse à raser sur ces brins en cas de présence de fourmis... Autant éviter à peu de frais de voir son hamac envahi par des insectes ou une infiltration d'eau en cas de pluie...
L’idéal est en fait de disposer le hamac filet mentionné dans le kit de survie juste sous le hamac principal afin d'y placer tout ce qu'on ne veut pas laisser au sol... et pouvoir trouver sous la main de nuit sans sortir du lit... Pour les chaussures, généralement boueuses, il suffit de les placer retournées sur deux bâtons plantés dans le sol. Point particulier, d'une part ne pas oublier de laisser pendre un bout de cordelette de chacun des brins reliant le hamac à l'arbre afin d'obtenir un effet "goutte d'eau de balcon", d'autre part mettre un peu de mousse à raser sur ces brins en cas de présence de fourmis... Autant éviter à peu de frais de voir son hamac envahi par des insectes ou une infiltration d'eau en cas de pluie...
En ce qui concerne l’eau, la
turbidité des ruisseaux, les rapides ou les remous peuvent s’avérer également
très dangereux… Il conviendra également de ne jamais s’installer en bivouac
trop à proximité ou dans le lit d’un cours d’eau… même modeste. Suite à un
orage en amont, un « barrage » naturel de branches peut en effet
céder et provoquer la descente brutale d’un mur d’eau de 2 ou 3 mètres emportant
tout sur son passage…
S’agissant de tout ce qui rampe,
vole… pour parler comme une pub Baygon… et sans tomber dans la paranoïa, il
convient toutefois de rester prudent en la matière…
Au Vietnam, comme dans tous les
pays du sud-est asiatique, il existe un certain nombre de serpents dangereux
même si paradoxalement nos Anciens n’en parlent pas trop dans leurs mémoires…
Ayant pris le parti d’illustrer mon propos grâce aux écrits légués par ces
derniers, je vous livre cette anecdote rapportée par le lieutenant Louis Stien dans son livre "Les prisonniers oubliés" :
" Le lendemain d'un gros orage, muni d'un coupe-coupe et de mon bâton à tout faire, je vais dans la forêt voisine pour récolter des pousses de bambous, car après une pluie elles sortent de terre et poussent de 20 centimètres en vingt-quatre heures, ce sont les toutes jeunes qui sont les meilleures. Ma récolte est presque terminée quand je dérange un cobra qui se dresse immédiatement sur la queue, balançant d'avant en arrière avec son capuchon gonflé de colère, en me fixant dans les yeux. Ce n'est pas le cobra royal des Indes, mais celui-là fait près d'un mètre et, dans l'état physique où je suis, sa morsure serait à coup sûr mortelle. J'ai été témoin d'une confrontation similaire lors d'une opération avec mon groupe de partisans, et le caporal Hoï m'a montré la bonne méthode, que je mets scrupuleusement en application. Je garde mon regard dans les yeux du serpent et très, très lentement, insensiblement, je me baisse pour ramasser mon bâton. Surtout pas de geste brusque, qui serait suivi d'un véritable bond d'attaque du reptile. Je me redresse tout aussi lentement, en le fixant toujours dans les yeux, écarte doucement mon bras armé et, brusquement, j'assène un vigoureux coup de bâton au milieu de la colonne vertébrale du cobra qui s'effondre; Je lui tranche la tête sur le champ et me voilà en possession d'un supplément de nourriture appréciable. Appréciable et apprécié, car ce serpent se révèle excellent, d'un goût intermédiaire entre l'anguille et le poulet."
Sans être le moins du monde un
expert en herpétologie mais vivant à l’année en Thaïlande, je dirais donc qu’il
y a deux espèces dont il faut se méfier, notamment au crépuscule, à savoir le
cobra, sous ses différentes variantes et le bongare ou krait, qui sortent pour
aller chasser. N’en déplaise aux spécialistes qui pourraient sourire de mon
propos, j’ai croisé ces deux espèces pendant notre périple, un cobra en bordure
de la route menant à Talung et un bongare (mort) en descendant sur le village de Cok Ton… sans oublier un serpent vert arboricole à proximité de l’ancien poste
sud de Dong Khê…
Un petit bongaré... petit mais "costaud"... sur le bord de la piste de Cok Ton...
Un serpent arboricole photographié par Antoine aux abords de Dong Khê...
(a priori un crotale des bambous... https://fr.wikipedia.org/wiki/Trimeresurus_albolabris )
(a priori un crotale des bambous... https://fr.wikipedia.org/wiki/Trimeresurus_albolabris )
Lors d’un précédent voyage au Vietnam, mon bus de nuit ayant fait une halte entre Lao Caï et Yen Baî dans un de ces relais qu’on trouve en bordure de route, j’ai également eu tout loisir de contempler la collection de serpents du propriétaire des lieux, fort impressionnante je l’avoue… avec de magnifiques cobras royaux et de tous aussi magnifiques bongares… dans des bocaux d’alcool.
Voici d'ailleurs ce qu'écrit le lieutenant Stien à propos des bongares :
" Plus en amont (du camp numéro 1) et déjà sous les couverts de la forêt, une cascade paradisiaque a créé au fil des siècles un trou d'eau qui invite à la baignade. On y renonce bien vite en voyant, à plusieurs reprises, un serpent jaune et noir la fréquenter.
- C'est un bongare, assure Piganiol, qui semble s'y connaître autant en reptiles qu'en productivité soviétique.
- Bongare annelé, ajoute t-il. Mortel;
En fait, on surestime toujours le danger des serpents, personne dans notre camp n'a jamais été mordu. Mais mieux vaut surestimer le danger et ne pas tenter le diable, ni son incarnation biblique. On se baigne ailleurs. Et on fait bien. Car depuis j'ai appris que les bongares font aux Indes plus de victimes que les najas. "
Personnellement, sur ce sujet,
j’ai toujours gardé à l’esprit ce que m’avait dit un vieil Africain lors d’une
visite au centre Pasteur de Kindia en Guinée Conakry : « Ce n’est pas
parce que tu ne les vois pas qu’eux ne te voient pas… »… Qu’on se le
tienne donc pour dit…
Ma liste n’étant pas exhaustive,
et sans vouloir le moins du monde traumatiser le lecteur, je renvoie pour ceux
qui souhaitent en savoir un peu plus à l’excellent article de mon ami Rainier
sur les serpents d’Asie du sud-est… : http://www.rainier.fr/thailande-serpents/index.html
Précisons quand même qu’une
morsure de serpent n’est pas systématiquement accompagnée d’une envenimation…
Très souvent, le serpent qu’on surprend et qui n’a pas eu le temps de fuir, se
contente d’envoyer les crocs « à la façon d’un chien »… J’ai ainsi
été témoin à Chiang Maï en Thaïlande, lors d’un show pour touriste, d’une
morsure superficielle infligée par un cobra au démonstrateur… Excepté
deux petites piqûres, il n’y avait rien de très spectaculaire, l’intéressé
semblant même plutôt blasé d’une telle situation… Un autre démonstrateur en
revanche est décédé dans des circonstances similaires…
Tout autrement dangereux est par
contre le serpent soit capturé et qu’on commence à tripoter, soit acculé dans
un coin et qu’on envisage de tuer… Même si habituellement il n’utilise qu’une
dose de venin proportionnée au gabarit du gibier chassé, dans ce cas de figure
l’animal essaiera d’injecter le maximum de venin car pour lui c’est une
question de survie… C’est d’ailleurs précisément ce qui est arrivé à un de mes
camarades médecin dans les années 80, lorsque
j’étais en assistance technique au poste de Hol Hol en République de Djibouti…
Heureusement pour lui nous avions au frais un tonicardiaque et un
anticoagulant… mais ce traitement d’urgence ne lui a pas évité toutefois par la
suite de nombreux soucis, le temps qu’on trouve le bon sérum applicable au type
de serpent en question. Cette mésaventure est aussi arrivée à un jeune aspirant
médecin lors d’une mission profonde en Guyane dans les années 90 avec un Graje
et à un militaire du rang du 23° Bataillon d’infanterie de marine lors d’une
manœuvre franco-sénégalaise avec un Mamba noir… mais dans ce dernier cas,
l’issue a été fatale en dépit d’une évacuation ultra rapide…
Face à une morsure, on ne le
répétera jamais assez, oubliez les histoires de garrot, de brûlure de la plaie
et surtout d’incision - succion à la Rambo : un seul remède, une légère
désinfection, la mise au repos et au calme du sujet, l’évacuation rapide… sans
oublier si possible la capture de l’animal, ou à défaut sa photo, afin qu’on puisse déterminer
rapidement le type de traitement à appliquer. Ceci signifie par voie de
conséquence qu’il vaut mieux ne jamais se promener seul en brousse… CQFD une
fois de plus… et qu’il vaut mieux se déplacer avec un bâton ou une canne de marche, autant utiles pour
écarter la végétation que pour repousser à distance un animal surpris… Le bruit
et les vibrations sont aussi un excellent moyen préventif pour se prémunir
contre une mauvaise surprise. Dans ce que j’appelais nos parcours
d’accoutumance au milieu guyanais, nous faisions passer systématiquement un
groupe de nouveaux arrivants sur un itinéraire faisant alterner les passages
dans la boue, dans des buses immergées, dans les arbres, etc. et chacun était
surpris de constater à l’arrivée qu’il ne s’était rien passé… Si une démythification
du milieu naturel est nécessaire pour profiter pleinement de son périple ceci
ne veut pas dire pour autant qu’il faut faire n’importe quoi… Je viens de m'en rendre compte une fois de plus lors de notre dernière traversée de la vallée de Quang Liet en avril 2016, lorsqu'aux abords de la côte 533 un cobra, du type de ceux que nous avons en Thaïlande, m'est parti pratiquement dans les pieds... Sans doute a t-il eu plus peur que moi qui n'ait réalisé sa présence qu'au dernier moment en le voyant s'enfuir.
Indépendamment du face à face
avec un serpent, heureusement fort rare, d’autres rencontres épidermiques
désagréables sont beaucoup plus fréquentes en Asie du sud-est… Sans parler des
moustiques déjà traités, j’en citerai deux auxquelles j’ai été personnellement
confronté : le scolopendre et les guêpes. Bien que m’en étant tiré sans
trop de gravité, c’est un désagrément que je ne souhaite à personne…
Le scolopendre... dans la famille mille pattes... c'est l'un des méchants...
S’agissant du scolopendre, dont
la piqûre est très douloureuse et peut occasionner une forte fièvre, il faut
faire attention à bien vérifier ses chaussures et ses vêtements avant de les
enfiler ou son sac avant de l’endosser, voire d’y plonger les mains… ce qui
veut dire ne pas laisser ses affaires n’importe où sur le sol… Il convient
aussi, de faire attention lorsqu’on progresse sur un terrain accidenté, là où
on place ses mains pour conserver son équilibre car on peut en trouver parfois
ainsi que je l’ai vu sur les troncs d’arbre… et si ce n’est pas un scolopendre
pour ce coup ci, ce sera forcément plus tard des épines acérées tout aussi
douloureuses…
En ce qui concerne les
« guêpes », si on n’est pas parvenu à les dépister à temps… après
avoir subi l’attaque, une bonne désinfection au vinaigre et… un peu de temps au
temps… devraient finir par résoudre le problème… Ces dernières, appelées
ailleurs « mouches à feu », « mouches sans raison »… ont
pour habitude de faire leur nid dans les branches notamment des palmiers et
réagissent immédiatement dès lors qu’elles sont dérangées.
Pour conclure ce billet, je me
contenterai de dire que dans 99,99 % des cas il ne se passera rien de grave si
vous décidez de partir « à l’aventure » pour vous faire plaisir…
Prenez simplement un guide local… et donnez lui pour le rétribuer seulement 10
% de ce que vous seriez prêt à lui donner pour l'avoir à vos côtés dans le cas où par exemple vous vous
retrouveriez… seul… quelque part au fond d’une position de combat de 2 mètres
de profondeur, creusée dans les années 1979 au sommet de la côte 704… à 2 ou
300 mètres seulement d’une route goudronnée… mais avec une cheville fracturée… J'en connais un qui devrait comprendre ce que je veux dire...
Bonne randonnée quand même !
Ouarf, je vais en entendre parler du trou de mortier sur 703.... , plus de 2 metres de haut, si si.... Mais je suis la.
RépondreSupprimerUn retour d experience sur l utilisation d Aspivenin ? Je cherche mais ne trouve pas.
A l attention d un medecin lecteur, concernant les 2 serums anti vemineux, si ils sont conserves en ampoule en temperature ambiante chaude, quel est le delai de perte d efficacite ?
Salut Antoine, je ne suis pas toubib mais ce n'étaient pas des sérums que nous avions au frigo... Juste un anticoagulant et un tonicardiaque que mon camarade s'était injecté tout seul... A ma connaissance, à partir de 25 ° tu ne peux rien conserver qui reste efficace voire non nocif...
SupprimerJe rajouterai aussi qu'un aspivenin c'est juste valable pour... les insectes... Vu la gueule des crochets de certains bestiaux, même pas la peine d'y penser... :)
SupprimerBonjour mon général,Bravo pour votre reportage Jeserais heureux de dialoguer avec vous sur l'Indo.Lieutenant au 6 bpc de 52 à 54 notre BA était Séminaire Loin de la cathédrale.On ne parlait pas de grand ou de petit mais du séminaire,point.Cordialement.Allaire.
RépondreSupprimerAllaire ? Colonel Allaire ? Celui qui fut traité de "tête de...l d " Par Bigeard au moment ou vous êtes arrêté combattre a Dien Bien Phu Et qui avez dit a un commissaire politique, que cette affaire s'était jouée a un chargeur de mitraillette ?
RépondreSupprimerUne réponse serait sincèrement appréciée !
Cordialement Lemorieux Christian
La réponse est : OUI.
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