Une fois franchi le pont sur le Song Ky Cong et en poursuivant sur la route qui mène vers That Khê, on ne peut manquer d'apercevoir sur la droite de l'ex RC4 la grande stèle que les Vietnamiens ont érigé à la mémoire de leurs soldats tombés au combat :
L'imposante stèle à la mémoire des soldats vietnamiens
Plutôt que de monter jeter un coup d'oeil sur ce monument, un de plus qui témoigne de l'acharnement des combats, nous préférons toutefois poursuivre notre route vers le nord en ayant une pensée émue pour les évènements qui se sont déroulés à quelques mètres de là entre le 18 octobre et le 4 novembre 1950, à savoir l'évacuation des blessés "les plus graves" de la RC 4...
Vue Google Earth de la cuvette de That Khê
Shéma d'organisation de la cuvette de That Khê en 1950
© Indo Editions - "Les combats de la RC4"
Vue Google Earth de la zone de l'ancien aérodrome
Sur le plan ci dessous on constate que la piste, réduite et coincée entre les rivières Song Ky Cong et Song Bak Khê était contrôlée par le poste du pont dont elle était toute proche :
Shéma d'implantation de l'ancien aérodrome en 1950
© Indo Editions - "Les combats de la RC4"
Sur la photographie ci-dessous prise depuis l'ancien poste sur le Song Ky Cong, on aperçoit le début de la zone où était implanté l'ancien aérodrome sur lequel nos aviateurs sont parvenus à se poser.
La piste tracée au pied d'un mouvement de terrain sur lequel a depuis été installée une grande stèle à la mémoire des soldats vietminhs, débutait probablement au niveau des maisons à droite du bouquet d'arbres :
La piste tracée au pied d'un mouvement de terrain sur lequel a depuis été installée une grande stèle à la mémoire des soldats vietminhs, débutait probablement au niveau des maisons à droite du bouquet d'arbres :
Vue sur les abords Est de la zone d'implantation de l'ancien aérodrome
Les abords Est de la zone d'implantation de l'ancien aérodrome
Les abords Ouest de la zone d'implantation de l'ancien aérodrome
C'est de cette piste sommaire que furent
évacués dans un premier temps les blessés des combats de la RC 4 ayant parvenu
à rejoindre That Khê avant la date du 11 octobre, jour où la localité a été
prise par les troupes vietminh.
That Khê était d'ailleurs initialement
l'objectif principal de l'attaque vietminh sur la RC 4 (code V2) après la chute
de Dong Khê (code V1) étant donné que Cao Bang constituait un trop gros morceau
à enlever... En évacuant Cao Bang et en tentant sans succès de se replier par
la RC 4, nos troupes ont donc permis au vietminh non seulement de réaliser leur
objectif initial mais aussi de s'emparer d'un carrefour indispensable à la
livraison de l'aide chinoise en vue de la conquête du Tonkin.
L'aérodrome de That Khê n'était pas conçu
pour permettre une mise à terre ou un emport de troupes important, ce qui
explique d'ailleurs que le 1er BEP n'ait pu être aérotransporté mais ait dû
sauter sur la localité même le 17 septembre après midi pour renforcer la
localité en attendant l'arrivée de la colonne Lepage en cours de progression.
Seuls de petits appareils type Morane se posaient jusque là sur cette piste, ce moyen ayant notamment permis au lieutenant Stien non encore apte au saut suite à une une blessure par éclats de mines, de rejoindre son bataillon ...
Le sous-lieutenant de Pirey raconte dans
son livre (La route morte) comment s'est déroulée la première vague
d'évacuations sanitaires, juste avant la chute de Dong Khê, et dont il a pu
bénéficier ayant réussi à percer depuis Coc Xa pour rejoindre les lignes
françaises :
" Jusqu'à présent, aucun Junker
de transport ne s'est posé sur le terrain de secours de That Khê, trop juste
pour ces lourds appareils. Pourtant seule l'évacuation des blessés par ces
avions peut être envisagée et un pilote s'est proposé pour tenter l'expérience.
L'atterrissage se passe sans histoire. Seuls sont embarqués dix hommes très
gravement touchés et qui doivent être opérés d'urgence. s'ils ne partent pas
maintenant, ils n'ont de toute façon presque aucune chance de s'en sortir...
Autant tenter le paquet...
Le Junker roule vers le bout de piste et
vire au raz de la rizière pour ne rien perdre de la longueur utilisable. Les
moteurs vrombissent à tout casser et la vieille carcasse en tôle ondulée est
secouée de spasmes. Les hommes du poste ont posé pelles et pioches, la
population est sortie pour voir ce record contre la mort.
De cette tentative dépend le sort de plus
de cent blessés (les autres sont restés aux mains des vietminhs...) Lorsque
pleine gomme le JU fidèle roule en cahotant sur la piste, le silence est absolu
dans That Khê. L'avion est déjà parvenu aux deux tiers du terrain et seule la
roulette arrière commence à se soulever timidement. Tous attendent l'accident
et un mécanicien d'aviation hoche la tête d'un air de dire : c'est cuit.
Au bout du terrain, les deux roues avant sautent
la rizière à quelques mètres de hauteur et le pilote cabre l'appareil pour le forcer
à monter : Le Ju prend un peu d'altitude, semble hésiter, puis pique du nez...
pour se rétablir en vol horizontal à toucher les herbes. Il disparaît bientôt
derrière les collines, mais il nous faut quelques instants pour réaliser qu'il
a réussi... Bientôt un autre appareil atterrit.
- Nous avons perfectionné la
technique, déclare le pilote en souriant, maintenant ça va marcher. Mettez
quinze gus, mais allégés au maximum..."
Vue de That Khê en direction du sud (1950)
© Indo Editions - "Les combats de la RC4"
Une fois la localité tombée aux mains du
Vietminh, une seconde vague d'évacuations sanitaires pourra avoir lieu suite à
une trêve momentanée établie.
Voici le récit que fait de cette évacuation le
lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume, celui-là même qui devait inspirer le
personnage du crabe-tambour, personnalité aussi atypique que celle du "
Baron " et qui était tout désigné pour préfacer le célèbre ouvrage de
Guillaume de Fontages " Les ailes te portent " :
" Après le désastre de la RC 4 en
octobre 1950, désastre bien supérieur à celui de Dien Bien Phû, où l'élite des
"Réserves générales" le fer de lance du corps expéditionnaire avait
fondu, laissant aux mains du Viet-Minh des milliers de morts, de blessés et de
prisonniers, Giap et Ho Chi Minh pour se donner une allure respectable sur le
plan international proposèrent une trêve permettant l'évacuation de quelques
prisonniers gravement blessés. En fait pour en profiter et réorganiser leurs
troupes très éprouvées par les combats de la RC4 et se préparer à l'offensive
sur le delta du Tonkin. La France accepta cette trêve et les viets choisirent
le terrain du poste de That Khê qu'ils venaient d'occuper pour procéder à
l'embarquement par voie d'air.
Guillaume de Fontanges, celui que tout le
corps expéditionnaire ne nommait plus que "le Baron" avait tenté et
réussi à se poser sur le minuscule terrain de That Khê juste avant qu'il ne
tombe entre les mains du Viêt-Minh. Il fût désigné pour cette mission : "On
vous fait confiance, faites pour le mieux !" lui disent ceux qui lui
avaient prédit "qu'à force de jouer au con, tu casseras la bagnole là-bas,
et seras fait aux pattes".
Pas une seconde les viets n'imaginèrent
que ce terrain soit accessible à des avions sanitaires plus importants que les
Morane (Fieseler) qui ne pouvaient emporter que quatre blessés à la fois.
Quelle ne fut pas leur surprise lorsque le Baron et sa "Julie"
réussirent à emporter à chaque rotation vingt blessés. Pour ce faire il débarrasse
l'avion de tout ce qui n'est absolument pas essentiel mettant cinq heures
d'essence au lieu de six heures, ce qui permet d'évacuer sept ou huit blessés
supplémentaires. Enfin il y a le problème de la convoyeuse, l'IPSA (infirmière parachutiste
secouriste de l'air). elle n'est pas prévue au départ mais le Baron a une très
grande admiration pour ces jeunes femmes admirables de courage, de dévouement,
les bonnes fées qui secourent ceux qui souffrent dans des conditions
effrayantes à bord des avions. Alors une fois de plus il se débrouille. On
débarque le poste émettant en graphie qui pèse 43 kg et on embarque en catimini
l'IPSA de service à Hanoï qui était Valérie de la Renaudie dite "Val"
qui n'en pèse guère plus. Au total, en dix évacuations sanitaires, il tirera de
l'enfer plus de deux cents soldats français. Sans lui ces hommes épuisés,
blessés n'auraient jamais supporté quatre années dans les camps viets. En vingt
ans, de 1939 à 1959, il effectuera plus de sept cents missions de guerre. Parmi
ces missions les plus belles pour lui seront ces dix évacuations
là."
(Source - Les ailes te portent de G. de
Fontanges - Ed. Maritimes d'Outre-mer -1981)
Nota : l'intégralité du récit de ces évacuations fait par Guillaume de Fontanges peut par ailleurs être consultée sur le site suivant :
http://aviateurs.e-monsite.com/pages/1946-et-annees-suivantes/les-evasans-de-that-khe.html
Continuons à présent en direction de That Khê...
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai découvert votre site et, très intéressé par l'histoire française en Indochine, je l'ai trouvé particulièrement intéressant et très bien documenté. Félicitations. je m'en servirai lors d'un prochain voyage au Vietnam
Le colonel (er) Jacques le Guen