« Quatre années chez les
Viets » paru aux Editions Lettres du monde en 1977 est un témoignage de 94
pages sur la captivité que Jean Jacques Beucler effectua au camp n° 1 de 1950 à
1954.
L’auteur :
Né en 1923 et décédé en 1999, Jean
Jacques Beucler, est généralement connu pour le fait qu’il est en 1991 à l’origine
de « l’affaire Boudarel ». Ce que l’on sait moins en revanche c’est
que l’homme a eu une vie très riche puisqu’il a servi dans l’armée pendant 13
ans, puis dirigé une entreprise pendant 22 ans tout en menant en parallèle une
carrière politique à partir de 1966. Devenu maire de Corbenay (Haute Saône), il
a par la suite exercé le mandat de député (URP, PDM, Union centriste) avant de
devenir secrétaire d’Etat à la Défense de 1977 à 1978.
Dans son livre, « Quatre
années chez les Viets », Jean Jacques Beucler nous fait le récit de son séjour derrière le « rideau
de bambou », période qui clôture l’intermède de sa vie sous les armes
(1942-1955)
En effet, après s’être engagé en
décembre 1942 au Maroc puis avoir été admis à Saint-Cyr, Jean Jacques Beucler
fait sa formation d’officier à l’école de Cherchell dont il sort major de
promotion. Par la suite il participe aux campagnes d’Italie, de France et
d’Allemagne dans les rangs des tirailleurs marocains avant de partir fin 1949
avec le 3° Tabor marocain pour l’Indochine. Aérotransporté avec son bataillon
sur Cao Bang afin de renforcer la colonne Charton, il est fait prisonnier lors
du repli de That Khê sur la RC 4. Il passe ensuite quatre années de détention
au camp n°1, où parmi les « hôtes forcés de la république démocratique du
Vietnam », pour reprendre la formule consacrée, Jean Jacques Beucler
occupe une place à part car sa personnalité et son rôle lui valent de devenir aux
côtés du commandant Feaugas, ex chef de corps du 1er Tabor, le
représentant des prisonniers auprès du chef de camp. Doué d’une santé
irréprochable, d’un moral à toute épreuve et d’une droiture de caractère sans
faille, l’homme a traversé ces quatre années d’épreuves sans pratiquement
jamais tomber malade, sans défaillir et surtout… sans tomber dans le piège de
la compromission avec l’ennemi… ce qui n’était pas la chose la plus facile dans une position aussi "exposée" que la sienne...
Son action soulignée en de
multiples circonstances dans les nombreux récits de captivité rédigés par ses
pairs, lui a valu par la suite de servir de modèle pour des personnages de
roman…
Jean Lartéguy s’est en effet
inspiré de sa personnalité et de son action pour en faire le sous lieutenant
Yves Marindelle, à ceci près que Marindelle était issu des FTP ce qui n’était
pas le cas du lieutenant Beucler…
Le père Albert Stilhé, fait
prisonnier en novembre 1952 après les combats de Moc Chau et détenu avec Jean
Jacques Beucler au camp n°1, en a fait le lieutenant Grandperrin dans son livre « Le prètre et le
commissaire ».
Jean Pouget, capturé par le
Vietminh à Dien Bien Phû, dans «
Le manifeste du camp n°1 » l’a enfin pour sa part choisi comme modèle pour décrire le
lieutenant Leyrieux, personnage atypique du camp…
Le récit.
Articulé en huit courts
chapitres, son récit initialement destiné à servir de support à la conférence
qu’il a prononcé en de multiples lieux et devant des auditoires très
divers afin de témoigner du sacrifice
consenti par nos troupes en Extrême Orient, est un remarquable témoignage sur la vie au camp
n°1.
Sans jamais se départir de la
modération du discours et de la pondération d’attitude qui ont été les siens
pendant ces quatre années, Jean Jacques Beucler nous livre tout à la fois un
récit de captivité, une analyse des événements qu’il a vécus tout au long de
ces quatre années et une leçon de sagesse.
Le livre s’ouvre sur une préface
d’Edgar Faure où sont soulignés les traits saillants de la personnalité de
l’auteur et comment Jean Jacques Beucler, par la ruse, l’habileté, la
diplomatie, le sens inné du dialogue… n’excluant ni le courage ni l’exemplarité
du comportement… a réussi à canaliser la pression du système concentrationnaire
communiste pour permettre à ses camarades de survivre.
Après avoir précisé le pourquoi
de ce témoignage, Jean Jacques Beucler nous décrit brièvement les différentes
phases par lesquelles ses camarades et lui sont passés au cours de cette sombre
période.
Une fois rappelées succinctement
les circonstances dans lesquelles il fut capturé, l’auteur nous
« raconte » le camp n°1 en nous présentant les lieux puis essaye de
nous faire comprendre le fonctionnement du mode opératoire vietminh pour
« tuer le vieil homme » et transformer les « colonialistes
cupides », les « impérialistes avides » ou les « fils de France
égarés » qu’étaient lui et ses camarades avant leur capture, en
« valeureux combattants de la paix ».
Jean Jacques Beucler distingue
ainsi trois phases bien spécifiques dans la captivité :
- la phase de décantation :
elle a pour objet de faire prendre conscience aux prisonniers de leur situation
en leur « proposant le
marché », à savoir jouer le jeu ou pas afin de devenir de valeureux
« combattants de la paix » ;
- la phase de mise en
condition : son but est de mettre à l’épreuve les esprits et d’affaiblir l’organisme
par les efforts physiques et la sous-alimentation, afin d’amener les prisonniers
à un dilemme : céder et survivre en acceptant de « jouer le
jeu » ou mourir de faim, de manque de soins et de misère
physiologique ;
- la phase d’abdication :
c’est là l’évolution inéluctable qui attend les prisonniers, sauf bien entendu
pour ceux qui comme le capitaine Cazaux ont refusé et y ont laissé la vie, et
qui ouvre sur les autocritiques, les discussions politiques, la signature des
manifestes… permettant aux plus zélés de bénéficier de libérations anticipées…
Les évasions infructueuses et le passage obligé « au buffles » après
leur capture des « fortes têtes », les déménagements du camp après
chaque libération ou survol accidentel de l’aviation française, le lavage de
cerveau, les décès et les arrivées de nouveaux prisonniers… ponctuent ainsi les
trois années qui s’écoulent jusqu’à l’été 1954 où intervient enfin le
rapatriement des prisonniers survivants…
Jean Jacques Beucler achève son
récit en tirant les « leçons » de son séjour forcé au "paradis
communiste" et en nous livrant quelques enseignements très terre à terre,
chargés de cet humour qui lui a permis d’émerger de la masse et d’aider les autres
à survivre dans cet enfer du camp n°1…
Parmi ces enseignements il y en a quelques uns que j’ai particulièrement appréciés et que je livre ci après :
Parmi ces enseignements il y en a quelques uns que j’ai particulièrement appréciés et que je livre ci après :
-
« …J’ai acquis le goût de la liberté et celui, corollaire, du
sourire, sans lesquels la vie ne mérite pas d’être vécue… »
- « … J’ai appris aussi à respecter une
hiérarchie de la valeur des choses. Ne dilapidons pas notre réserve de sérénité
pour un rôti brûlé ou un train manqué. Les coups du sort enseignent à supporter
les chiquenaudes du quotidien…. »
- « … Dans mes bagages, j’ai
rapporté quelques réflexes : l’autocritique pratiquée avec spontanéité
facilite les rapports humains… »
- « … L’habitude de souffrir
en groupe m’a inculqué un respect profond pour mon voisin, quel qu’il
soit... »
Mon avis :
Si ce livre est très intéressant
en ce sens qu’il constitue un témoignage de grande valeur écrit par un ancien
du camp n°1 qui a eu à cœur à la fin des années 70 de démasquer et de
pourchasser Boudarel, l’ancien commissaire politique adjoint du camp 111 afin
de respecter l’un des derniers souhaits de l’un de ses camarades de captivité,
j’avoue toutefois que j’aurais aimé que l’auteur développe davantage son
propos…
Au-delà de la concision du récit,
je trouve en effet qu’au regard du rôle crucial joué par Jean Jacques Beucler
pendant ses quatre années de captivité ce récit ne reflète qu’imparfaitement l’importance
et la finesse de son action d’interposition et de médiation entre ses camarades
et les autorités communistes, jeu difficile s’il en était... Je crois que
l’auteur, à la façon de Louis Stien ou de René Moreau, pour ne citer que ces
deux seuls noms, aurait pu parler davantage du vécu quotidien du camp, des
comportements individuels ou de sa perception du système communiste. Il y avait là assurément matière à écrire
longuement mais sans doute l’empreinte laissée par son séjour en captivité,
alliée à la manifestation de cette modestie qui fit l’unanimité auprès de ses
camarades, l’ont-elle conduit à faire le choix de la concision… et de la mise
en retrait de l’auteur tout au long de ces 94 pages…
A lire et relire sans modération… voir à écouter : http://www.ina.fr/audio/PHD97006460
Je l'ai lu, très interressant
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