jeudi 20 octobre 2022

Retour sur les combats de Tu Lê (2) : Le cadre de l'action


          Avant de publier les photos de notre parcours, il m'a semblé intéressant de mettre à la disposition des lecteurs, d'une part un certain nombre d'informations pratiques, d'autre part les principales photos ou croquis que j'ai pu examiner lors de notre préparation.

Tu Lê qui était autrefois un simple carrefour de pistes, est aujourd'hui une petite bourgade rurale située à environ 180 km de Hanoï sur un axe très touristique que l'on appelle "La route des photographes", la QL 32. En poursuivant à travers la "Haute région" de l'ex Tonkin cette route vers le Nord-Ouest, on longe le massif montagneux servant de séparation entre le bassin de la Rivière Noire au sud et le bassin du Fleuve Rouge au Nord. En suivant cette QL 32 on peut ainsi atteindre Sapa, ancienne station d'altitude dominée par le Fansipan qui avec 3143 mètres d'altitude est le plus haut sommet du Vietnam, puis Lao Cai à la frontière chinoise. J'avais prévu d'effectuer en 2020 ce parcours de randonnée magnifique d'environ 200 km au départ de Tu Lê puis d'effectuer l'ascencion du Fansipan (guide local imposé par les Vietnamiens pour cette phase) mais la pandémie du COVID 19 en a décidé autrement... Ce n'est donc, je l'espère, que partie remise...

A noter toutefois que ceux qui souhaitent comme nous suivre intégralement le parcours de la colonne Bigeard, abandonneront cette "route des photographes" en descendant du col de Khau Pha et poursuivront en direction du Sud vers Muong Chien par des petits chemins ou des pistes montagneuses, la population étant généralement soit Thaï dans les vallées, soit H'mong sur les hauteurs.
C'est en fait entre Tu Lê et Muong Chien que le parcours est le plus intéressant pour les amateurs de randonnée car à partir de Muong Chien, comme on est obligé de suivre une petite route, certes peu fréquentée mais goudronnée, qui longe sur environ 40 km la vallée de la Nam Chan, le périple devient moins agréable... même s'il y a de beaux panoramas au niveau du col de Itong, véritable mur qui marque le basculement vers une zone d'altitude plus basse.
Si la température est bien tempérée jusqu'au col de Itong, on risque ensuite de souffrir de la chaleur au fur et à mesure qu'on descend... puisqu'on descend progressivement d'environ 1000 mètres.
Afin de parer à tout problème en cas de difficulté d'hébergement sur notre parcours, nous avions prévu un hamac léger car on peut toujours s'abriter sous un auvent quelque part en cas de besoin.
A noter qu'on trouve un peu partout le long de la route des petites échoppes  permettant de se rafraîchir et de s'alimenter, ce qui fait qu'il suffit juste d'emporter un "en cas" de sécurité.


Pour rejoindre Tu Lê au départ de Hanoï, on peut prendre un des bus qui partent de la gare My Dinh (30 mn de taxi depuis le quartier des 36 guildes) en direction de Nghia Lô et Muong Can Chai vers 8 h, de façon à être sur zone entre 14 et 15 heures (prix approximatif 150.000 VND soit environ 6 euros courant 2019).




Une fois arrivé à destination, il existe sur Tu Lê plusieurs guest houses pour se faire héberger, de l'avis général la meilleure au point de vue propreté et rapport qualité - prix étant l'hôtel Pho Nui où nous sommes descendus. Pour la restauration, il existe de nombreux endroits sur Tu Lê et sur le reste du parcours jusqu'à Muong Can Chai.

Pour la suite du raid pédestre on peut se loger sans souci sur Muong Cang Chai (cf. Ecolodge) puis sur Ngoc Chien (ancien poste de l'adjudant Peyrol) mais après ces deux bourgades, le long de la vallée de la Nam Chang nous n'avons vu apres les sources chaudes aucune guest house jusqu'à la ville de Ban Na Tong. Ce secteur très rural n'est pas fréquenté par les touristes et au point de vue hébergement il existe donc une "zone morte" d'environ 40 km... sauf bien entendu à se loger chez l'habitant, ce qui nous a été proposé en descendant du col d'Itong. Pour des raisons de délai de route, car nous souhaitions faire une extension jusqu'à Nasan, nous avons poursuivi notre parcours pour aller loger à Ban Na Tong sur les bords de la Rivière Noire. Ceux qui souhaiteraient abréger leur parcours pourront toujours emprunter l'un des bus locaux qui relient les deux bourgades...sous réserve de ne pas le louper au départ ou lors de son passage sur la route...

Pour ceux qui souhaiteraient faire un périple identique au notre, la meilleure des choses à faire pour découvrir Tu Lê est de poser dès l'arrivée en milieu d'après midi les sacs à la guest house puis de commencer immédiatement la découverte de la cuvette et du site de l'ancien poste. Si on ne souhaite pas monter sur les positions environnant l'ancien poste, on a largement le temps de faire le tour du lieu avant la nuit tombée.


Pour localiser Tu Lê dans le contexte des combats de 1952, voici une carte générale de la zone d'opération tirée du livre du général Bigeard :




Les férus d'histoire de l'Indochine se souviendront bien entendu que certains éléments de la "colonne Alessandri" étaient déjà passés sur cet itinéraire Ngia Lô - Tu Lê - Sonla (II° bataillon du 5° REI) après le coup de force du 9 mars 45, soit sept ans auparavant, rejoignant ainsi le "Groupement centre" en franchissant eux aussi la Rivière Noire à Tabu, lors de leur repli devant les Japonais.

Le poste de Tu Lê, comme de nombreux autres, avait été bâti pendant l'époque coloniale à la confluence de trois vallées qu'il pouvait ainsi contrôler, car c'était un passage obligé sur les pistes de l'époque. Autour du poste s'étaient agrégées bien évidemment les familles des soldats autochtones.

L'emplacement de l'ancien poste de Tu Lê aujourd'hui

Sur la photo ci-dessus, on observe :
- au premier plan, une plaine rizicole qui autrefois accueillait une piste d'aviation permettant le poser des avions léger Morane ;
- immédiatement au dessus du village, l'emplacement du poste au sommet de la butte marron (antenne) ;
- à gauche de la photo, les contreforts  de  la côte 876 ;
- à droite de la photo, la côte 830 dominée derrière par le sommet 946.

Retrouver nos anciens postes d'époque, ou tout au moins leur emplacement, est assez aisé car les Vietnamiens y ont souvent implanté des antennes relais... Dès lors il suffit de chercher une hauteur contrôlant un point clé élevé du terrain à une distance d'environ 200 à 300 mètres de l'axe principal car telle était la portée pratique des armes des soldats...

Par comparaison, voici l'aspect du poste de Tu Lê avant l'attaque d'octobre 1952 :

Le poste de Tu Lê autrefois

Le poste de Tu Lê était occupé en 1952 par une compagnie du 1er bataillon Thai, commandée à l'époque par le Lt Lavrat, le PC du bataillon étant implanté à Ngia Lo.

Comme on peut le constater sur les vues ci-dessous, il n'y avait que fort peu de constructions en dur sur le poste lui même ce qui explique qu'on ne retrouve aujourd'hui pratiquement aucun vestige  de bâtiment sur le site. La finalité de ce type de poste n'était pas le combat mais le contrôle de zone et le renseignement, d'où la faiblesse du dispositif défensif, donnée que signale Bigeard dans ses écrits. Par ailleurs, là encore, comme sur la RC 4, outre la nécessité de disposer d'une alimentation en eau, la portée réduite de l'armement faisaient qu'il fallait s'implanter à "portée de fusil" du point à contrôler même si cette implantation était dominée par des mouvements de terrain avoisinants. On notera toutefois le soin porté par les soldats de l'époque au dégagement des secteurs de tirs grâce à un déboisement massif des pentes :

 



En dépit de la présence d'une piste d'aviation, les avions de ravitaillement d'un gabarit supérieur au Morane, comme les Junkers ou les C 47 Dakota étaient obligés de larguer leur ravitaillement ainsi qu'on le voit sur les photos ci-dessous :




(A suivre.... )



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