jeudi 20 octobre 2022

Retour sur les combats de Tu Lê (3) : Le poste et les préparatifs




     Ainsi qu'on peut le lire sur une fiche Wikipedia, les combats de Tu Lê sont une suite d'affrontements qui eurent lieu durant la guerre d'Indochine du 16 au 23 octobre 1952 dans la région du Haut Tonkin, combats durant lesquels le 6° Bataillon de parachutistes coloniaux du commandant Bigeard s'est opposé aux divisions 308 et 312 du général Giap, dont l'offensive sur Nghia Lo avait été révélée par des informateurs au colonel Ducourneau, patron du Groupement aéroporté n° 2
L'ensemble des combats s'est terminé par un repli du 6° BPC et des soldats rapatriés des deux postes pris par le Vietminh, le commandant Bigeard réussissant à ramener jusqu'à la Rivière noire une grande partie de ses hommes.


L'objectif initial de Giap était de franchir la Haute Région pour déboucher à terme sur le Mékong et le Laos, régions peu affectées par la guérilla et relativement calmes, dans le but de mettre en difficulté le corps expéditionnaire français en Extrême Orient. Celui-ci n'avait en effet pas les effectifs nécessaires pour combattre sur l'ensemble du territoire de l' Indochine française, alors même que la France garantissait par traité la sécurité du Laos...
Durant la saison des pluies de 1952, Giap après avoir renforcé ses troupes, disposait de plusieurs divisions, dont deux au moins aptes à conduire une grande offensive. La grande inconnue etait de determiner la direction dans laquelle elle allaient progresser...

Le Groupement Aéroporté no2 du colonel Ducourneau renseigné sur des mouvements de troupes Viêt-minh, fit part de ses observations au général  Salan, qui décida d'envoyer le "bataillon Bigeard" renforcer les petits postes occupés dans les montagnes par des troupes autochtones et surtout confirmer l'axe de progression des unités vietminh...

Entre le moment où fut prise la décision de larguer un bataillon parachutiste en vue de déterminer si les divisions ennemies faisaient effort vers le Laos ou vers le Sud et son largage effectif, le commandement reçut suffisamment d'informations pour lui permettre d'annuler cette opération aéroportée. La chute les uns après les autres d'une série de postes tenus par des partisans et balayés par les unités ennemies permettait en effet de déterminer sans ambiguité le volume et l''axe de progression de celles-ci. Mais quand le général Salan prit la décision de sursoir à l'opération il était toutefois trop tard car le général de  Linarès avait déjà fait procéder au largage du 6° BPC dont la mission de renseignement devenait de fait inutile...

Ce point, souvent passé sous silence, est pourtant important à conserver en mémoire car l'affaire de Tu Lê a donc débuté en quelque sorte par un "loupé" de l'état major... Le problème est qu'ensuite ce "loupé" a mis gravement en danger un bataillon nouvellement arrivé sur le territoire, au point que certains avaient commencé à le rayer des effectifs au vu de la situation générale... Sauvé par l'énergie et les compétences opérationnelles de son commandant de bataillon ainsi que par le niveau physique de ses soldats, l'unité a réussi à sortir pratiquement seule de la nasse, même si c'est au prix de la perte de plus de 90 de ses hommes... donnée qui elle aussi est souvent passée sous silence. Dans ces conditions, on peut légitimement se demander, sans porter atteinte à la mémoire de nos Anciens,  si le volume jamais vu auparavant de récompenses attribuées au bataillon n'est pas dû aussi au souci du Commandement de faire oublier son erreur initiale...

Au soir du 16 octobre, jour du parachutage, le rapport de force officiel est donc de 665 parachutistes du 6° BPC contre environ 10.000 Bo Doi des divisions 308 et 312...



Le briefing de préparation de l'OAP au séminaire de Hanoï

Sur cette photo prise dans la nuit du 15 au 16 octobre 1952, on reconnait de la gauche vers la droite :
- le médecin-lieutenant Rivier, médecin chef du 6° BPC ;
- le capitaine Touret, adjoint au commandant de bataillon ;
- le chef de bataillon Bigeard ;
- le lieutenant Bourgeois (debout derrière Bigeard) de la CCB, qui sera tué à Dien Bien Phû ;
- le lieutenant de Wilde commandant la 26° CIP ;
- le lieutenant Porcher de la CCB ;
- le lieutenant Magnillat commandant la 6° compagnie ;
- le lieutenant Le Roy commandant la 11° compagnie ;
- le lieutenant Trapp commandant la 12° compagnie ;
- le lieutenant Elise, officier transmissions du 6° BPC.

16 octobre 1952 :
Le 16 octobre 1952 six cent soixante-cinq parachutistes du 6° BPC sont largués en deux rotations à 40 km au Nord-ouest de Nghia Lo, sur le village de Tu Lê.
Dès le regroupement au sol achevé, Bigeard décide d'installer le bataillon en plusieurs points d'appui de compagnie capables de s'appuyer les uns les autres :
- La 26e compagnie du lieutenant de Wilde (Indicatif "Francis") est placée en réserve aux côtés du PC de Bigeard implanté dans le poste (au dessus du lieu dit Ban Com) ;
- La 11e compagnie du capitaine Leroy (Indicatif Indicatif  "Polo") investit la cote 840 ;
- La 12e compagnie, dirigée par le lieutenant Trapp (Indicatif "hervé"), se charge de la cote 876 ;
- La 6e compagnie du lieutenant Magnillat (Indicatif "Bernard") s’installe de l'autre côté de la rivière Muong Leum, au sud. 

Coupure de carte au 1/50 000 de la cuvette de Tu Lê

Croquis d'implantation illustrant le rapport du Lcl de Bollardière

Vue générale de la position tenue par le 6° BPC : au fond à gauche de la photo la côte 876 et son éperon tenu par la 12°compagnie, à droite la côte 840 tenue par la 11° cie dominée derrière par le sommet 946 et juste au dessus des maisons du hameau de Ban Com, le poste où s'étaient installées la 26° CIP et la CCB :




La côte 876 et son éperon


Dès leur arrivée, les soldats aménagent sommairement leurs postes en creusant des abris jusqu'au petit matin du 17 octobre :







L'emplacement où les hommes du 6° BPC ont aménagé une tranchée en utilisant une faille naturelle  dans le rocher est encore nettement visible aujourd'hui :




Le poste lui même étant construit avec des matériaux "légers", il n'en reste pratiquement aucun vestige si ce ne sont quelques débris de briques éparses, ce qui nous a relativement déçus... Il est probable en outre qu'après le départ des Français une grande partie du matériel et des matériaux a dû être récupérée par la population. En cherchant, peut être serait il possible de retrouver des restes de barbelés encore utilisés pour limiter les divagations du bétail :






17 octobre :
Le 17 octobre un Morane se pose sur une vieille piste en bordure de rizière et emporte les blessés du saut de la veille à Hanoî :






L'installation des postes continue, des Dakotas larguent des ribards ainsi que des munitions, pendant que les soldats creusent des tranchées et posent des mines autour de leurs positions. Pendant la nuit du 17 au 18, le poste de Nghia Lo, qui est situé au sud-est de Gia Hoï, est attaqué.


Le CBA Bigeard au premier plan observe le largage


Pendant les travaux défensifs, la couverture éloignée du 6° BPC est renforcée par les effectifs autochtones du poste et des coolies sont rassemblés parmi les habitants pour fournir une main d'oeuvre complémentaire.
Le contact radio est pris avec Gia Hoi et Nghia Lo et une patrouille de supplétifs est envoyée à Gia Hoi.
La 11° compagnie s'installe à l'est de la riviere Nam Pang.

(A suivre... )



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